[Candidature acceptée] Krurrund Tête-de-Plomb

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Krurrund
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[Candidature acceptée] Krurrund Tête-de-Plomb

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Le voyage fut assurément le plus atroce que Krurrund ait jamais vécu. Lui qui ne s’était jamais intéressé à cette invention imprudente et tapageuse qu'est la taupe mécanique comprît dès les cinq premières minutes à quel point son intuition avait eu raison. La machine craquait, sifflait, crachait sa vapeur dans un fracas des plus effrayants. La chaleur, le manque d’espace dans le compartiment de la taupe et la pénombre constante lui rappelèrent douloureusement les années de sa vie où il avait servi d’esclave pour le compte des chiens de Ragnaros. Très vite l’angoisse plongea ses crocs acérés dans la chaire du charpentier. Il parvint à tenir la plus grande partie du trajet avec une résilience et une ténacité typiquement naine. Toutefois, le temps allant, les nerfs du Sombrefer finirent par lâcher. Dans un geste de rage impuissante, il donna un grand coup à l’intérieur de la machine, activant par mégarde une drôle de levier dont la fonction il était inconnue. La taupe, dans un rugissement qui n’aurait rien à envier à ceux des Banshees, piqua d’un coup d’un seul vers la surface, ignorant les jurons et les coups que Krurrund donnait sur le levier dans l’espoir de le faire rebasculer. Un décompte résonna dans la cavité mécanique avec une voix de naine faussement enjôleuse. Tête-de-Plomb ne put que hurler de terreur à plein poumons tandis que la pointe de la foreuse passait à travers une terre molle et… Humide ?
Le Sombrefer aurait mieux fait de garder la bouche fermée. Une grande gerbe d’eau croupis lui jaillit sur la trogne et, en quelques instants seulement, transforma la taupe en piège aquatique. Le Maçon, interloqué, vit ressurgir quelque chose dont il ne s’était pas servit depuis son aventure en Norfendre : L’instinct de survie. D’un grand coup de pied qui aurait assurément déraciner un vieux tronc d’arbre, le nain fit sauter la portière de l’engin et s’en dégagea en deux coups de cuillères à pot. Ses yeux rougeoyants parvenaient à peine à voir à travers les eaux terreuses dans lesquelles il nageait, pourtant une chose était claire. Il avait eu la bonne idée de faire remonter la taupe au fond d’un lac ! Tenant son barda du bout du pied tandis que ses bras moulinaient férocement pour le ramener à la surface, Krurrund songea un temps au visage du vendeur qui l’avait arnaqué et se promis de lui faire ravaler ses dents une fois rentré à la maison. Lorsque la tête chauve de Tête-de-Plomb perca la surface du lac Mereldar elle fut tout de suite accompagnée d’un juron retentissant.

C’est frigorifié, puant et dans une colère noire que le maçon atteint enfin le rivage. La terre limoneuse du lac maudit était rentrée dans ses bottes. Le nain aurait même juré que des asticots se baladaient entre ses orteils ! Sa barbe, si joliment tressée à son départ, pendait mollement en deux pitoyables morceaux. Lorsque le maçon ouvrit son baluchon pour constater les dégâts, il émit un puissant gémissement de désespoir. Le tabard de la croisade était passé de blanc à vert, la plupart de ses schémas étaient inutilisables et le tract de l’ost partit en morceaux au contact de ses doigts. Seule semblait avoir survécu la carte des Maleterres qu’il avait emporté avec lui. Non sans un certain nombre de grognement et autre soupir d’exaspération dont les nains d’un âge mûr ont le secret, il finit par confirmer sa position et traça une ligne mentale sur le bout de papier pour savoir vers où se trouvait le Beffroi du Nord. C’est en relevant la tête de sa carte malodorante que Krurrund réalisa dans quelle situation il se trouvait. Il était un maçon, dont les années de service militaires dataient d’il y a des années, vêtu seulement d’une chemise de travail bleu, d’un pantalon abimé, de godasses pleines d’asticots et avec pour seule arme le marteau dont il se servait habituellement pour clouer des planches sur le toit des églises en perdition. Ce nain là, sans aucune connaissance martiale ni équipement se trouvait seule, perdu au beau milieu d’une des régions les plus hostiles du continent. Un frisson d’horreur le parcourut, qui fut aussitôt apaisé par la certitude bienheureuse dont peuvent parfois faire preuve les croyants les plus convaincus. Sa certitude que la lumière le protégeait alliée à l’opiniâtreté caractéristique des nains combla son cœur d’une arrogante plénitude. En sifflotant un air qu’il avait entendu au sinistre écluseur, le charpentier avança à travers les bois en serrant contre lui son baluchon et son vieux marteau.

Après une dizaine de minutes de marche, bien évidemment, les ennuis vinrent le trouver. Ils se matérialisèrent par de petits couinements et de furtifs mouvements aux coins de sa vision. La sueur perla sur le crâne du Sombrefer. En soufflant fort, il pressa le pas. Les ombres le suivirent sans peine et leur présence se fit de plus en plus menaçante. Bientôt il se mit à courir aussi vite qu’il le pouvait, ses bottes ruinées faisant des petits « Sphlouk ! » à chaque pas. Il reconnu le grognement si familier des goules derrière son épaule, et sa terreur ne connut aucune mesure. Au Norfendre, il avait vu des Draeneïs cuirassés de la tête aux pieds se faire tailler en pièce par des monstres de cette engeance. Comme un signe providentiel de La Lumière, Tête-de-Plomb vit poindre devant lui l’orée des bois. Il déboula sur une vieille route pavée avec, à son bout, les hautes murailles de ce qui ressemblait fort bien à la description qu’on lui avait faite de la forteresse de l’Ost Pourpre. Dans un soupir d’allégresse il reprit sa course vers son objectif en priant tous les grands Saints que c’était bien là que se trouvait sa destinée, et pas dans le ventre d’une goule quelques dizaines de mètres derrière lui. Ces dernières, enragées par une course-poursuite bien trop longue, poussèrent des cris qui suffirent à faire se dresser les sourcils broussailleux du charpentier.

Dans un ultime effort, le Sombrefer s’élança vers le donjon comme si la mort était à ses trousses – ce qui était très vraisemblablement le cas. Une fois à portée de voix, le nain rugit à plein poumons :

- A l’aide ! A l’aide ! Par les bourses de Dagran aidez-moi !

Incapable d’articuler davantage tant la course l’avait privé de son souffle, Krurrund Tête-de-Plomb ne songea pas un seul instant au ridicule de sa situation. En pleine après-midi dans les Maleterres de l’Est, un nain sombrefer puant comme une bouche d’égout et poursuivit par 4 ou 5 goules se jetait au pied des murailles d’un ordre militaire dédiée au rétablissement du plus grand empire humain que le monde n’ait jamais connu. La situation, s’il en réchappait, vaudrait bien une ou deux chansons une fois au bercail.

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La Vigie
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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par La Vigie »

Un instant, le nain eut pu croire que son appel était resté lettre morte ou que personne ne se trouvait derrière les hautes murailles - tant sont longues les secondes quand on court pour sa vie. Puis, alors que son espoir vacillait peut-être, il entendit des mots prononcés fort en haut du rempart. Des ordres, à n'en pas douter, qui furent suivis d'une nuée de traits noirs s'envolant des hauteurs. Avec une précision que seule l'habitude rendait possible, les flèches s'abattirent en grappes sur les goules, les transformant en hérissons pour les plus chanceuses. Krurrund était sorti d'affaires : les prédateurs contre-nature étaient cloués au sol.

Du sommet, il entendit de nouveau une voix, qui s'adressait désormais à lui.

Vous êtes sauvé, maître nain. Déclinez votre identité, et les raisons de votre présence devant nos murs.

Aider son prochain, toujours. Oublier la procédure, jamais.

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Krurrund
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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par Krurrund »

Désespoir. Colère. Terreur. Incompréhension. Les longues secondes qui précédèrent son sauvetage par la garnison furent sans conteste les plus longues de la vie du Sombrefer. Il avait déjà entendu des vétérans parler de la manière dont leur vie leur était passée sous les yeux aux moments clés de leur carrière, de la manière dont ils avaient vu leurs proches dans un dernier flash de lucidité. Krurrund, après l’expérience qu’il venait de vivre, trouva ces récits héroïques quelque peu exagérés. Il n’avait pas pu esquisser la moindre pensée lors de ce moment au plus proche d’une mort atroce. Il n’avait fait que ressentir, comme l’aurait fait un animal, la froide morsure de l’horreur face au trépas. Son corps s’était mu de lui-même, persuadé qu’il était de trouver refuge auprès de ces puissantes murailles de pierre blanche. Il se trouva que son instinct ne s’était pas trompé.
Une volée de flèche tirée avec une synchronisation parfaite s’abattu sur ses poursuivants cannibales, délivrant le maçon d’une fin aussi atroce que ridicule. Avec son élan, Tête-de-Plomb manqua de s’emplafonner dans les portes de la forteresse. Il appuya sa paluche recouverte de cicatrices contre ces dernières et prit le temps de calmer le tremblement incontrôlable de ses genoux. Sa pensée ressurgit d’un coup d’un seul dans sa boîte crânienne, et il réalisa quelle chance il avait eu que l’Ost Pourpre soit si attentif à ses frontières et d’une efficacité si redoutable. La chance ? Non. Krurrund soupira de soulagement. Sa survie était assurément dû à la faveur de La Lumière, et à la manière dont cette dernière bénissait les tireurs de l’Ost d’un œil perçant et d’une main leste.

Le charpentier leva ses yeux rougeoyants vers le haut des remparts, incapable de là où il était de mettre un visage sur cette voix qui l’interrogeait sur ses motivations et sur son identité. Tant bien que mal il tenta de revenir sur ses pas afin d’être bien en vue des vigiles postés sur les murs. Il essaya vainement de prendre la parole pour remercier ses sauveurs mais ne put qu’exhaler un long soupir inintelligible, incapable qu’il était d’articuler une syllabe tant sa respiration était incontrôlable. Son cœur battait si fort qu’on aurait certainement pu le voir bondir hors de sa poitrine. Après plusieurs tentatives ridicules il renonça pour un temps à exprimer sa gratitude de vive voix et se contenta de tendre un pouce approbatif à l’attention des gardes pourpres. Après une petite minute à respirer comme le dernier des bœufs, il parvint enfin à se redresser et, geste qu’il n’avait pas accompli depuis des années, à se mettre au garde à vous. Il lança d’une voix rocailleuse :

- Charpentier Krrurund Tête-de-Plomb, du clan Sombrefer. Je viens offrir mes services, mon sang et ma sueur à l’Ost Pourpre ! Je veux user de mon expérience pour vous aider à reprendre vos terres !

Les paroles du maçon auraient tout à fait pu être convaincante si son aspect n’avait pas été aussi contradictoire. Ce salut qu’il avait pratiqué si souvent lui donnait aujourd’hui un air risible, tant il mettait en valeur la taille plus que respectable de sa bedaine. Sa chemise d’un bleu profond avait pris une teinte verdâtre à l’image du limon dans lequel il avait dû nager pour arriver jusqu’ici. Sa barbe châtain, tressée en deux solides tresses, pendaient mollement de part et d’autre de son ventre tandis que sa moustache lui recouvrait tristement les lèvres. Dans son état actuel on avait davantage l’envie de lui lancer une pièce et de le chasser à coup de balais plutôt que de le laisser passer l’enceinte des murs.
Cependant, l’œil d’un militaire chevronné saurait certainement reconnaître au maintien du Sombrefer les traces d’une authentique connaissance des us et coutumes de l’armée. Krurrund songea un instant être à la place du vigile qui lui faisait face. Aurait-il laissé un individu de son espèce entrer au Beffroi ? Sa réponse le rendit pessimiste. Il pria de toutes ses forces pour que les soldats qui avaient été si promptes à lui sauver la vie ne le chassent pas comme le dernier des malpropres.

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La Vigie
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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par La Vigie »

La conciliabule qui suivit son annonce parut durer une éternité, et il était à craindre que les créatures des Maleterres finissent par s'en rendre compte et cherchent à nouveau à se saisir de cette proie juteuse. Puis, au bout d'un temps incertain, la discussion lointaine se termina, et Krurrund entendit distinctement les ordres donnés : on allait lui ouvrir.

Majestueusement, les deux battants de la grande porte qui marquait l'entrée du Beffroi du Nord s'écartèrent l'un de l'autre. Aussitôt, une demi-douzaine d'hommes en armes en surgirent et passèrent à côté du nain sans même lui adresser la parole. Cependant, il ne devait pas se formaliser de cette attitude cavalière : les soldats avaient en effet vocation à sécuriser les lieux et à s'assurer que les goules avaient rendu ce qui leur servait d'âme. A bien y regarder, Krurrund se rendit d'ailleurs compte de deux faits qui l'étonnèrent : tout d'abord, aucun des soldats ne portait le tabard pourpre qu'il attendait.
Ensuite, il s'agissait tous des nains. De Marteaux-Hardis, comme il le comprit vite.

Quant à l'individu qui approchait, c'était bel et bien un humain. Sa tenue et son port ne laissaient aucun doute : le nain avait face à lui un soldat de métier.

Bienvenue, Maître Tête-de-Plomb. Avant de vous inviter à entrer, je dois vous demander de me remettre vos armes. Elles vous seront rendues à votre départ.

Le procotole, à nouveau.

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Krurrund
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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par Krurrund »

La porte, dans un grincement continu de bois et d'acier, s'ouvrit lentement face à Krurrund qui, en réaction, relâcha son salut et poussa un soupir de soulagement. Un sourire édenté commença à apparaître sur son visage, sourire qui se figea instantanément à la vue des soldats s'approchant de lui. Lui qui s'était attendu à des hommes et des femmes comme il en avait croisé des centaines lors de ses pérégrinations en Hurlevent se retrouvait nez à nez avec des congénères nains, et pas n'importe lesquels. Des Marteaux-Hardis. Il ne put réprimer un mouvement de recul et un grognement sonore. Ses sourcils se froncèrent d’un air soucieux et il serra les poings. Était-ce une farce ? Un test, de l’Ost ou de La Lumière elle-même ? Ou bien un hasard malencontreux ? Il chassa cette idée. Le hasard n’existait pas. Tout n’était que l’application des volontés impénétrables du Divin. Krurrund était déjà, avant même de franchir l’enceinte des murs, mis à l’épreuve.

Tête-de-Plomb ne connaissait pas beaucoup de mots en langue commune qui suffisent à exprimer toute l’aversion que les Marteaux-Hardis et les Sombrefers se portaient. Cette haine mutuelle dépassait les bornes sensées de la raison ; elle était viscérale. Les clans s’étaient entretués à de multiples reprises, la palme de la violence ayant été obtenue lors de la malédiction de Grim Batol, la montagne ancestrale des nains volants. S’ils partageaient tout deux l’appellation de « Nain », rien ne semblait les relier si ce n’était la longueur de leur barbe. Là où les Sombrefers étaient pragmatiques, industrieux, inventifs et profondément enracinés sous la Montagne les Marteaux-Hardis apparaissaient comme fainéants, colériques, incapables de vivre mieux que dans des tentes de pierres en surface, et s’attachant à virevolter dans les hauteurs au lieu de faire quelque chose de leurs dix doigts. Sans oublier, bien sûr, qu’ils passaient davantage de leur temps à vénérer les éléments qu’à rendre hommage à la seule divinité digne de louanges. Du moins, c’était là la vision que Krurrund portait sur la question.

Si le maçon avait été plus jeune, il aurait sûrement démarré au quart de tours, comme l’auraient fait bon nombre de ses congénères. La simple idée d’avoir été sauvé par ces crétins peints en bleus lui donnait la nausée. Toutefois, l’âge et l’expérience avaient donné au charpentier la plus importante des vertus dans un camp militaire : L’art de fermer sa grande bouche. Grimaçant ce qu’il espérait être un sourire, il évita soigneusement de croiser le regard des gaillards qui le contournaient pour aller s’assurer que les goules ne lui croqueraient pas les mollets.

La vue du soldat humain tout de fer vêtu détendit quelque peu ses larges épaules. Au moins ne s’était-il pas trompé d’endroit. L’allure et l’assurance du guerrier lui offrit un franc sourire. Il se sentait à l’aise dans cet engrenage militaire de franchise et de courtoisie. Il fit un signe de tête respectueux à l’attention de son interlocuteur.
La mention de ses armes le fit émettre une quinte de toux. Il aurait certainement offert sa solde des six derniers mois pour avoir quelque chose de moins pitoyable à présenter que son vieux marteau. D’un air misérable il détacha ce dernier de sa ceinture et le tendit à l’homme qui lui faisait face.

- J’ai pas grand-chose de mieux à vous proposer, messire. J’pensais que mon voyage se passerait sans encombre, et… Eh bien vous avez vu comment ça s’est terminé. Sans votre aide j’aurais dû essayer de sauver ma carcasse à mains nues.

En d’autres termes, il se serait fait dévorer en quelques minutes. Il se mit à genoux puis décrocha son baluchon de son épaule pour en dévoiler le contenu au soldat, dans un souci de transparence totale.

- Rien que des papelards délavés dans ma besace, messire. J’ai embarqué avec moi des schémas de mes précédents chantiers pour appuyer ma candidature mais la plupart ont pris l’eau à mon arrivée dans les Maleterres.


Il se redressa finalement en faisant craquer son dos et, rendu nerveux par la présence de Marteaux-Hardis armés jusqu’aux dents dans son angle mort, suggéra d’une voix grinçante :

- Si j’dois faire autre chose pour vous prouver ma bonne foi, hésitez pas messire !

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La Vigie
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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par La Vigie »

Le soldat se saisit du marteau avec respect, moins en raison de sa qualité propre que du sens qu'avait cette remise des armes du voyageur. Après un regard rapide aux Marteaux-Hardis qui achevaient ce qui méritait encore de l'être, il fit signe au nain de le suivre.

Nous serons plus à l'aise pour converser à l'intérieur. Je dois dire que vous arrivez à un drôle de moment : tout ce qui va suivre défie le protocole habituel en pareille situation, mais nous saurons nous adapter, j'en suis persuadé.

Comme pour appuyer ses dires, l'homme désigna l'intérieur du Beffroi. Même si des travaux étaient menés depuis, un oeil avertit ne pouvait que distinguer les stigmates d'une attaque récente : la façade noircie de la Commanderie, la terre récemment remuée par endroits, des créneaux manquants sur les remparts... A n'en pas douter, l'Ost avait essuyé une vilaine attaque, et pansait désormais ses plaies.

Un autre détail sauta aux yeux de Krurrund : dans la cour, ils croisèrent un nombre raisonnablement important de Marteaux-Hardis, et la présence de griffons laissait à supposer qu'une compagnie de ces montagnards s'était établie là. Plus encore, ni eux ni les hommes qu'ils rencontrèrent sur leur chemin ne portaient le tabard de l'Ost Pourpre : si les oriflammes et étendards pourpre et or qui trônaient au-dessus des bâtiments ne l'affirmaient pas haut et fort, il aurait été possible de s'interroger sur les propriétaires des lieux...

Ils entrèrent finalement dans la Garnison, et l'homme guida Krurrund dans la salle commune où il lui proposa de s'asseoir à une vaste table qui devait servir aux repas des hommes de troupe.

Je me rends compte que je ne me suis pas présenté. Sébastien Wernat, ancien soldat de Hurlevent aujourd'hui à la retraite, et temporairement en charge de la sécurité des lieux sur la demande d'un vieil ami. Puis-je vous proposer une boisson pour vous remettre de vos émotions ? Du pain et du fromage, peut-être ? Et après vous pourrez me dire ce que vous venez faire ici.

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Krurrund
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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par Krurrund »

Impossible, inconcevable. Jamais Tête-de-Plomb n’avait-il eu autant l’impression de se faire rire au nez par La Lumière. Une troupe – que dis-je une troupe – une compagnie entière de Marteaux-hardis lui faisait désormais face. Il s’était attendu à trouver la forteresse imprenable d’un ordre vertueux composés d’humains cuirassés tout vêtus de pourpre. Au lieu de ça il avait trouvé un cirque de rouquins crasseux accompagnés de leurs bêtes mi-chat mi-pigeon. Tombant des nus, sa mâchoire manqua de se décrocher sous le choc.

- Tonnerre d’Hostefer ! jura Krurrund. Mais qu’est-ce que c’est que ce bazar ?!


Les mots du Sombrefer pouvaient paraître indécents au vu de la situation ; pourtant, ils n’étaient que la réaction sincère d’un cerveau de maçon largement surmené par l’étrangeté de la situation. Toujours la bouche grande ouverte, il se mit à lancer des regards rapides dans tous les sens afin de recueillir le plus d’informations possibles sur l’endroit où il se trouvait. Il écouta avec attention le soldat humain qui l’avait si aimablement laissé entrer, se raccrochant à ses paroles comme à un ilot de raison au milieu de cet océan de non-sens. Marchant à la suite de ce dernier, il tira une immense contrariété des « shpouik » répétitifs de ses chaussures ruinées. Il se contenta de les retirer et de les porter à la main, continuant sa route pieds nus. Il acquiesça en silence et remarqua effectivement les traces d’une confrontation féroce au sein même des murs. L’aspect carbonisé du bâtiment du fond lui avait mis la puce à l’oreille bien sûr, et l’absence de certains créneaux sautait aux yeux du charpentier. Cela dit il passa à côté des indices que la terre remuée aurait pu lui apporter, tant il avait les yeux braqués sur les bâtiments qui l’entouraient. Krurrund ne put s’empêcher de commenter la chose, bien davantage pour montrer au guerrier qu’il avait l’œil vif que pour dire quoi que ce soit d’intéressant. Il déclama sa boutade d’un air lugubre :

- Y a l’air d’y avoir eu sacré grabuge, messire. J’espère qu’ils n’ont fait qu’écailler la peinture.

Il reconnut à sa droite ce qui devait servir d’écurie à l’Ost. Cette dernière, occupée massivement par un flot continu de griffons, fit grincer des dents le charpentier. L’odeur âcre des fientes de ces foutus créatures rajoutait à sa nervosité. Une sorte de fontaine semblait se tenir entre l’improbable duo et l’édifice noircie. En détaillant davantage ce dernier, Tête-de-Plomb supposa à la manière dont avait été bâti l’endroit qu’il devait s’agir du centre de commandement de l’ordre sacré. Il se mit à songer à l’état de ses charpentes, et si elles avaient été endommagées par l’attaque. Il fut arraché à sa rêverie lorsque le soldat de l’ost bifurqua sur la droite, vers une construction lourdement fortifiée. Sa vue fit sourire Krurrund. Il avait appris à bâtir ce genre de bâtiment lorsqu’il était au Norfendre. Les garnisons humaines étaient souvent toutes bâties sur un même schéma. Loin de trouver la chose ennuyeuse, le charpentier approuvait cette répétitivité. Pourquoi diable changer une recette si terriblement efficace ?

Le Sombrefer se laissa guider à l’intérieur de l’édifice pour arriver, enfin, dans ce qui lui apparut comme un réfectoire. La chaleur de la pièce mit du baume au cœur du nain. Il n’avait aucun Marteau-hardi dans son champ de vision et pouvait en ce sens relâcher la pression qu’il avait accumulé depuis le début de sa mésaventure. D’un pas balourd mais vif il alla déposer ses chaussures auprès du feu, dans l’espoir qu’elles soient sèches pour son départ. Il rejoignit ensuite le soldat de l’Ost et accepta bien volontiers sa proposition de s’attabler au meuble principal de la salle commune.
Il braqua son regard dans celui de son interlocuteur et écouta avec attention ses présentations et sa proposition. Le Sombrefer émit un léger soupir. Il aurait bien volontiers donné ses chaussettes pour une gorgée d’eau de vie ou une bière bien fraîche. Cependant, ses observations le poussèrent à la prudence et à la modération.

- Ravi de faire votre connaissance, sire Wernat, et merci bien d’avoir pris la peine de m’accueillir entre vos murs. Les temps sont durs, j’apprécierais bien volontiers ce que vous serez en mesure de m’offrir. Un quignon de pain et un peu d’eau claire me conviendraient parfaitement.

D’un geste lent et précautionneux Krurrund s’empara de sa besace qu’il avait déposé à ses pieds et en extirpa, avec une infinie douceur, une pile de papier dégoulinante ainsi qu’un bout de tissus crasseux. Il étala ses effets sur la table et appuya ses propos en tapotant les schémas correspondants.

- Comme je vous l’ai dit aux portes je suis maçon de métier, issus d’une famille de maçon depuis 13 générations. Nous, les Tête-de-Plomb, on a la pierre dans le sang. Enfin on a de la lave dans les veines mais vous avez compris l’idée ! Grumpf. Excusez-moi, je continue.


Il extirpa l’effigie de La Lumière qu’il portait autour du coup et la déposa sur la table.

- Voici ma motivation Sire Wernat. Il n’en est de plus noble et de plus résolue. Avant d’être un Sombrefer, je suis avant tout un fils dévoué de la Lumière. J’ai passé le plus claire de ma vie en liberté à tendre la main à mes frères de confession, à rénover les lieux saints que vous autres, les humains, avez eu la grâce d’édifier les premiers. Mais je veux faire plus, messire. J’en ai les moyens et la volonté.

Tête-de-Plomb laissa son ardeur fanatique prendre le pas sur la modération dont il avait essayé de faire usage quelque temps plus tôt.

- Je veux vous aider à reprendre Lordaeron, le berceau de notre culte, à la vermine pourrissante. Je veux rendre aux croyants le son des cloches de la toute première cathédrale, je veux aider à reconstruire, par la pierre et le bois, un foyer qui vous durera mille ans !

Il s’empara du bout de chiffon verdâtre et se leva pour l’exhiber devant Sébastien Wernat. Ce dernier put reconnaître, malgré l’usure et l’odeur nauséabonde, les symboles combinés de la main d’argent et de l’aube d’argent, l’emblème de la croisade.

- Je ne me présente pas à vous comme un vulgaire courte-barbe. Ce n’est pas la première fois que je verse mon sang contre la racaille morte-vivante. C’est auprès de vos confrères croisés que j’ai appris l’architecture humaine et la discipline. J’ai construit de mes mains l’avant-poste d’Argent à la couronne de Glace, et j’ai fait parti de l’équipe d’élite qui a assemblé les infrastructures du tournoi d’Argent. Je m’y connais bien en fortifications militaires messire, et même si je n’ai jamais été sur la ligne de front j’ai sué autant si ce n’est plus que n’importe quel soldat là-bas !

Le charpentier se rassit et passa sa main sur son crâne rasé. Il reprit après une petite pause, d’un ton plus mesuré.

- J’ai raccroché ma masse trop tôt, Sébastien Wernat. Je ne suis pas capable d’attendre mes vieux jours sous la Montagne. J’ai besoin de faire plus, d’accomplir quelque chose de plus significatif pour La Cause. Donnez-moi une hache et je vous brandirais en quelques heures une belle rangée d’épieux. Donnez-moi un marteau et je retaperais en quelques jours les charpentes les plus abîmées. Donnez-moi une équipe et en quelques mois je vous bâtirais une foutue tour de guet au bord de l’eau si c’est ce que vous désirez !

Bien sûr, son discours avait été pensé et écrit des mois auparavant. L’ambition de rejoindre l’Ost Pourpre le torturait depuis qu’il était rentré à Ombreforge en suivant Moira Thaurissan, lorsque l’azérite était apparu quelques temps plus tôt. Il eut la gorge sèche d’avoir autant parlé, et espéra ne pas en avoir trop fait.

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La Vigie
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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par La Vigie »

Le soldat écouta la tirade avec d'autant plus d'attention qu'il s'agissait pour lui d'une première : en homme de devoir et de parole, il se devait de se montrer à la hauteur du service qui lui avait été demandé.

Qui plus est, la chose commençait à lui plaire.

"Raccrroché votre masse trop tôt". Vos mots touchent mon coeur, maître Tête-de-Plomb, car j'ai parfois moi-même ce sentiment. Ce qui explique sans doute que vous me voyiez ici, devant vous, et non sur le lopin de terre que mes trente ans de service dans l'armée hurleventine m'ont permis d'obtenir.

L'ancien major fut interrompu par l'arrivée d'un page, porteur d'une assiette et d'un cruchon. L'une contenait un pain de seigle, une pomme en quartiers et quelques morceaux de fromage. La seconde, une eau claire. Sébastien remercia le jeune homme et fit le service.

Tenez, vous devez avoir soif, glissa-t-il au nain en même temps que le verre. Puis, d'une voix plus sérieuse : Comme je vous le disais à votre arrivée, vous menez votre démarche dans un contexte bien particulier pour l'Ost Pourpre. Je vais tenter de vous le résumer à grands traits.

Vous savez, comme tout le monde, que le ciel du Norfendre s'est brisé il y a quelque temps de cela, et que la frontière avec la Mort s'est brisée elle aussi. Ici, au Beffroi, cet évènement a été accompagné de la pire des façons : une attaque du Culte des Damnés. Je vous en passe les détails. Sachez simplement que, si l'ennemi a été repoussé au prix de pertes terribles et de dommages matériels conséquents, l'Ost a été, pour ainsi dire, maudit : toutes les personnes présentes lors de l'assaut ont été liées à l'Antre par une terrible malédiction, qui rendait leurs jours comptés. Décision a donc été prise par la Connétable de l'Ost de partir en expédition en Ombreterre - je crois que c'est le nom donné à ce lieu par-delà la Mort - pour tenter de contrer les effets de ce sortilège. Je ne sais, à ce jour, s'ils y sont parvenus.


Sébastien s'arrêta là. Moins pour boire à son tour que pour laisser au nain le temps de se remettre de ces informations.

Ceci vous expliquera sans doute l'étrangeté de la situation. Il n'y a plus, en ces murs, de soldats affiliés à l'Ost Pourpre. Les officiers de l'ordre ont sollicité l'aide de leurs alliés pour tenir le Beffroi en leur absence : Marteaux-Hardis des Hinterlands et Compagnie Steelwood. Moi-même, j'ai été invité par mon ami l'Adjoint Rainer à prendre en charge la sécurité du Beffroi. Tout ceci est donc temporaire - du moins, nous l'espérons.

Cette fois-ci, Sébastien se tut. Il avait bien des questions à poser au candidat, sur son passé et ce qu'il pensait apporter à l'Ost. Mais il fallait avant tout le laisser digérer ces informations.

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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

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Krurrund Tête-de-Plomb afficha un franc sourire. Il ressentit à nouveau ce sentiment très spécifique qu’il n’avait expérimenté qu’au sein de la Croisade : la camaraderie. Les mots du soldat Wernat firent écho aux siens, et le nain put ainsi en déduire qu’une certaine forme de respect mutuel s’était installée entre eux. La mélancolie du champ de bataille était certes un sentiment que peu d’êtres sur Azeroth pouvaient véritablement comprendre. Bien sûr ce n’était pas la mort et le sang qui manquaient à Krurrund, mais bel et bien l’impression d’offrir sa vie pour une cause supérieure, d’avoir un objectif net et distinct lui donnant l’envie de lever son marteau chaque matin. Peut être ce besoin était-il également l’expression d’une peur plus profonde, celle de disparaître sans jamais avoir marqué l’Histoire de notre monde, de n’être finalement qu’une âme parmi tant d’autres à s’être contenter de profiter de ce qu’Azeroth avait à offrir sans chercher à la rendre un peu meilleure. Wernat et Tête-de-Plomb semblaient être de ceux qui ne connaissaient la paix qu’une fois leur mission accomplie, au mépris de leurs blessures mentales et physiques ou du passage du temps.

Le maçon fut arraché de sa rêverie par l’arrivée d’un être humain dont l’absence de poils aux mentons suggérait une certaine jeunesse. Le plateau de vivre fit réaliser au Sombrefer à quel point ses mésaventures l’avaient affamé. Méconnaissant les règles de savoir-vivre propres aux milieux les plus favorisés, Krurrund s’empara du verre et, après avoir remercier le jeune page, l’engloutît d’un trait. Le contact de l’eau claire et de sa bouche pâteuse lui redonna du poil de la bête. Il rompit le pain de seigle en deux parts plus ou moins égales et, désignant une première moitié à Sébastien Wernat d’un geste de la main, dévora goulument la deuxième. Sa maigre pitance disparut dans un concert de mâchouillements des plus sonores, ce qui arracha un soupir de satisfaction de la part du maçon.

Une tranche de fromage se logeait entre ses chicots lorsqu’il entendit les explications de l’humain sur la situation plus que précaire de l’Ost. Il avait bien entendu parlé de cette rupture dans le ciel de la couronne de glace – Ciel qu’il avait déjà contemplé à de multiples occasions quelques années auparavant. Il resta cependant coi lorsque Wernat lui fit part du sort des chevaliers de l’ordre. Les yeux écarquillés, il manqua de s’étouffer en réalisant toute la signification des informations dont on venait de lui faire part. Sa tête se mit à tourner. L’Ost pourpre, la légendaire confrérie sacrée dont les réfugiés de Lordaeron lui avaient tant parlé, avait peut-être déjà été éradiqué dans un plan d’existence auquel il ne comprenait rien ? Sans qu’il n’ait jamais pu donner le moindre coup de marteau pour les aider ? Le nain baissa la tête d’un air abattu. Non, c’était impossible. Il n’avait pas rêvé de ce jour tout ce temps, raté son voyage d’une manière aussi spectaculaire et vu la mort d’aussi près pour finir sur un échec sans même avoir essayer. Il s’interrogea. La Lumière manifestait-elle ici sa volonté ? S’engouffrer en Enfer à la recherche des membres de l’ordre, était-ce la mission qui lui était confié ? Krurrund mit un terme à ses circonvolutions stériles. Il se recentra sur le soldat qui lui faisait face et se remit dans la logique de son entretien d’embauche. Il ne serait d’aucune utilité à personne si on lui refusait la possibilité de faire ses preuves. Il répondit enfin, d’un ton sinistre en se frottant les yeux.

- Ce sont de terribles nouvelles, messire. Je ne pensais pas me retrouver dans un tel guêpier en quittant ma maison ce matin. Je comprends maintenant l’omniprésence de mes… Cousins à plumes entre vos murs.


Rappeler son lien de parenté avec ces individus lui arracha presque la gorge, et son effort fut très certainement perceptible. Une pensée lui fit froncer les sourcils et il décida d’en faire part à son interlocuteur.

- Je pense que, d’une certaine façon, nous devons être fait du même bois, Sébastien Wernat. Aussi, je peux tout à fait imaginer à quel point ça doit être pénible de devoir rester là à poireauter tandis que vos compagnons se démènent dans la gueule de l’Enfer. Votre sens du devoir est assurément digne d’éloges. Vous avez tout mon respect.

Il poursuivit en accompagnant ses paroles de gestes pour appuyer son propos.

- Et c’est justement parce que nous sommes taillés dans ce même bois que je ne peux décemment pas revenir sur ma parole par peur du péril. Je réitère vigoureusement ma proposition, soldat. Je suis prêt à faire tout ce qui sera nécessaire pour rétablir une situation durable à l’Ost Pourpre.

Avec un tremblement dans la voix, Krurrund ne put s’empêcher de rajouter :

- Cela dit j’apprécierais significativement que, si vous m’acceptez parmi les vôtres, vous ne m’envoyiez pas avec un bouclier dans cet Ombreterre sans m’avoir au moins appris à m’en servir. Je vous avoue n’avoir aucune connaissance des arts de la guerre, et je ne me vois pas survivre plus de deux minutes sur ce sol maudit sans avoir reçu aux préalables les enseignements de guerriers de talents.

La chose l’embarrassait terriblement. Il avait compté sur le secours des guerriers de l’Ost pour rattraper son retard en la matière. Même du temps de la croisade, il n’avait jamais véritablement dû encaisser les coups de griffes d’une goule ou la lame maudite d’un chevalier de la mort. Il n’avait aucune idée de ce que pouvaient être les monstres peuplant l’Ombreterre, et il n’avait aucune envie de leur faire face sans qu’on lui ait montrer la différence entre manier une hache sur un tronc d’arbre et la manier sur un crâne. Krurrund Tête-de-Plomb attendit en croisant les bras la réponse de Wernat. Il était curieux d’avoir son opinion sur la possible place du Sombrefer au sein de l’ordre, et sur ce qu’il pouvait faire pour lui venir en aide.

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La Vigie
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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par La Vigie »

Wernat hocha la tête, non sans avoir préalablement accepté le morceau de pain tendu par le nain. Il comprenait parfaitement ce dernier : avoir fait tout ce chemin pour obtenir de si terribles nouvelles, être sorti de sa retraite et oser reprendre les armes pour trouver sa destination sens dessus dessous, nombreux sont ceux qui tourneraient casaque. Or, Krurrund semblait fait d'un tout autre bois. Une certaine sympathie naturelle en plus, il lui rappelait ce bon vieux Rainer, qui lui avait demandé ce si terrible service. Où pouvait-il être, à cette heure ?

Vos paroles sonnent d'or, maître Tête-de-Plomb. Je suis ici pour assurer la continuité de l'Ost, quand bien même l'ordre est absent. Je me dois donc de poursuivre votre entretien comme si les soldats d'or et de pourpre étaient ici à ma place : quant à ce qu'il adviendra à l'avenir, nous n'en sommes pas maîtres, alors inutile de nous en préoccuper à ce stade.

Il prit une inspiration, comme pour se rappeler d'un texte appris - après tout, il avait reçu des consignes précises en pareil cas, et c'était la première fois que celui-ci se présentait.

J'ai bien saisi l'intention qui vous portait. Je vais néanmoins vous pousser à être plus précis. Quelle est, au fond, votre motivation profonde dans la lutte contre les morts - j'entends par là autant les créatures écervelées qui rodent dehors que les Réprouvés qui usurpent encore une partie du Nord ? Après tout, en tant que Sombrefer, cette cause n'est pas la vôtre, pas plus que cette patrie n'est la vôtre. Et, si la Lumièr est votre guide, pourquoi cette cause-là plutôt qu'une autre ? Ce ne sont pas les injustices qui manquent, en ce monde.

Cette fois-ci, on y était : l'entretien était lancé.

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Krurrund
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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

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Krurrund fut flatté par les élogieuses paroles de l’humain. Il posa ses mains d’ouvrier sur ses genoux et l’écouta avec attention. Il prit le temps d’une réflexion lorsque le soldat eût terminé son discours ; on aurait presque pu distinguer au fond de ses yeux ardents les rouages de sa pensée. Bien sûr, il s’était attendu à ce que ses motivations soient remises en question. Il avait beau être un farouche loyaliste envers son clan natal, il n’en ignorait ni les mauvais aspects ni la sombre réputation. Il était familier de la curiosité des autres croyants, qui voyaient en lui une anomalie aussi curieuse qu’intimidante. Comment un nain issu de la plus profonde et de la plus terrible des montagnes d’Azeroth avait-il pu être touché par la lumière ? La question le poussa à se replonger dans les premières années de sa vie, ce qui réveilla une vieille blessure de laquelle il n’avait jamais entièrement guéri. D’un air sinistre, il parla d’une voix basse qui poussa son interlocuteur à tendre l’oreille.

- Si vous me le permettez messire Wernat, je vais répondre à vos questions en vous racontant une partie de mon histoire. J’espère qu’après mon récit, vous comprendrez mieux toute l’ampleur de ma résolution.

Tête-de-Plomb poussa un soupir tremblant. Il n’avait que très rarement mit des mots sur ce qui lui était arrivé. Sur ce qui leur était tous arrivé, à lui et aux Sombrefers.

- Vous êtes un vétéran de l’Alliance Sire, aussi ne vais-je pas rentrer dans les détails vis à vis des origines de mon clan. Vous savez très certainement déjà nous portons dans notre chaire la trace de notre assujettissement à R… au Seigneur du Feu.
Krurrund pesta contre lui-même. Même après toute ces années, il était toujours incapable de prononcer son nom. Ragnaros. Le dieu de rage et de flamme qui avait privé son peuple de sa liberté.


- Saviez-vous que du temps de son règne, la grande majorité des nains, y compris moi, n’avions encore jamais vu la lumière du soleil ? La seule source de lumière que nous connaissions, c’était celle de nos maîtres élémentaires. Des êtres monstrueux, d’une cruauté inouïe et d’une inventivité redoutable en matière de sévices corporels.


Sa remarque lui donna un rire amer. Il en avait si souvent fait les frais.

- Leur malfaisance, messire Wernat. Elle s’est infusée en nous, elle nous a monté les uns contre les autres. Il n’y a aucune Lumière sous la Montagne, humain. Rien que la fureur de la terre. Une rage perpétuelle, une humiliation perpétuelle, qui enchaînait nos cœurs aux volontés du Seigneur du Feu. Je vous ai dit plus tôt que j’étais issus d’une famille de maçon. Les Têtes-de-Plomb ont fait partie des nombreux architectes qui ont bâti Ombreforge. Nous étions reconnus, estimés, et par voie de conséquence terriblement enviés.

Le souvenir de sa déchéance le fit grimacer.

- Son nom ne vous dit peut-être rien, mais par chez nous il est associé à l’ignominie : Fineous Sombrevire. Un artisan tout juste médiocre qui, par l’entremise de sa fille, a été nommé architecte en chef de Rochenoire. Comment ? Eh bien en volant les plans de nains plus doués que lui bien entendu.

Krurrund, enragé par le souvenir de la trogne déconfite de ce scélérat, tapa du poing sur la table. Il s’écria :

- Cette charogne nous a dépouillé de schémas familiaux datant de la fondation du royaume ! Et pire encore ! Mon père, voyez-vous, est un Sombrefer abominablement têtu. Il a cherché à porter cette affaire en justice, et à faire tomber Sombrevire. Mais il n’existait aucune justice sous la Montagne, messire Wernat. Rien que la rage et la peur. Mon vieux père a manqué de jugeotte. En s’attaquant à Fineous, il n’a pas réfléchi au rang de ce dernier. En l’accusant d’un crime si infâmant, il accusait l’architecte en chef désigné par l’Empereur Thaurissan lui-même, et remettait par la même l’autorité de ce dernier en question. On le fit arrêter sans procès pour trahison, lui et toute sa famille.

La peine perça à travers la voix grondante du maçon.

- Nous avons tout perdu Messire, du jour au lendemain. Nos biens, notre réputation, même notre nom. Nous avons été condamnés à une peine plus effroyable encore que la mort. J’étais extrêmement jeune à cette époque, mais on m’a toute de même envoyé avec mon père et ma mère au plus profond des mines de la Montagne, là où la chaleur est la plus insoutenable, au plus près du cœur du Magma. J’y suis resté… 50, longues, très longues années.

Krurrund ferma un temps les yeux, parcouru d’un incontrôlable frisson d’horreur. Malgré le passage du temps, il lui arrivait encore, dans ses pires cauchemars, de revenir dans ces tunnels maudits. Avec un air de dégoût, Tête-de-Plomb déboutonna les boutons des manches de sa chemises afin d’exhiber ses poignets. Il les montra à l’humain, qui put y découvrir les traces de la morsure de lourdes chaînes. Malgré le passage du temps, on pouvait très aisément deviner à la forme des cicatrices que les liens de l’ancien esclave étaient restés profondément enracinés dans sa chaire. Le maçon émit une boutade, d’un air sinistre.

- Je vous passe la vue de mon dos. Les élémentaires nous martyrisaient avec des fouets enflammés, qui nous brûlaient nos chaires en même temps qu’ils les lacéraient. Les sbires de Ragnaros sont des tortionnaires enragés et cruels qui ont mis dans la tombe mon nombre de mes confrères moins résistants.

Tête-de-Plomb s’humecta les lèvres, puis répéta à nouveau cette phrase si lourde de sens.

- Il n’y aucune Lumière sous la Montagne, Sébastien Wernat. Jamais. Ni clémence, ni compassion. Ni espoir, ni bonté. L’esclavage a rendu mon père fou à lier, et ma mère a perdu l’usage de la parole. Il ne restait plus que moi, au fond de cet enfer de charbon et de cendre, dans l’attente d’une mort qui me paressait d’une douceur infinie. Et puis, finalement… L’Alliance est arrivée.


Le Sombrefer se passa la main sur le crâne.

- Vous autres, humains, Barbe-de-Bronze, gnomes et autres elfes aux oreilles pointues avez déboulé dans mon monde et assassiné les deux êtres que je servais depuis ma plus tendre enfance. Sous la bannière du Lion de Hurlevent, vous avez assassiné mon Empereur et banni mon Dieu de son trône. Je travaillais à la mine ce jour-là, comme tous les jours depuis cinquante ans. D’un coup d’un seul, la montagne s’est mise à trembler, et nos maîtres se sont évaporés dans un cri impuissant. Nous nous sommes retrouvés seuls, des esclaves sans maîtres, des nains sans but. La lueur de la lave s’est atténuée et nous nous sommes retrouvés dans la cendre et dans la pénombre. Nous avons longuement attendu là, sans savoir quoi faire de nos carcasses. Et puis… Elle est arrivée.

Les yeux du charpentier brillèrent d’admiration.

- Moira Thaurissan. Une Barbe-de-Bronze par le sang, mais une Sombrefer dans son âme. Elle est venue nous chercher au plus profond de la montagne, et nous a proposer un nouvel objectif. Nous nous attendions à retrouver nos chaînes, cette fois-ci sous son commandement. Elle a fait bien pire : Elle a détruit toutes nos croyances, tout notre système de valeurs, d’un grand coup de marteau. Elle a brisé nos chaînes, et nous a témoigné une émotion qui nous était alors étrangère : De la compassion.

Les yeux ardents du maçon s’humidifièrent.

- Messire, pouvez-vous imaginer à quel point il fut bon pour moi de ressentir, au sortir des mines, une si noble émotion ? J’ai été frappé, que dis-je, illuminé par cette naine à la peau claire, et par les promesses d’avenir que suggéraient son ventre rond. C’est alors qu’elle nous a parlé d’une divinité, une et pourtant pluriel, ayant façonné ce monde pour la seule jouissance de le voir prospérer. Un être intangible pétri de bienveillance qui prônait toutes les vertus qui m’étaient alors étrangères, et qui m’ouvrait une voie vers la rédemption. La Lumière.

Krurrund serra entre ses doigts son pendentif religieux.

- Tout ce que j’ai fait depuis ce jour, Sébastien Wernat, c’est chercher à m’acquitter de ma dette envers les fidèles de l’Eglise de la Lumière. Voilà d’où vient la force de ma conviction. Je suis un enfant des ombres, né dans la cendre et dans l’obscurité d’un monde de flammes et de mort. A présent, je baigne dans la plus pure des lumières, dans le filon originel de la Vie, et cela me comble d’une extase infinie. Vous me demandez ce qui me pousse à combattre la vermine morte-vivante ? Voici ma réponse. Je me battrais aussi férocément contre les réprouvés que contre les serviteurs maudits du Seigneur du Feu. Les uns comme les autres ne sont que les porteurs d’une Mort atroce, qui rêvent de voir ce monde retomber dans la nuit la plus noire. Je veux me battre pour la Vie, pour La Lumière et pour ses fidèles. Je donnerais tout ce que j’ai pour éviter à une autre âme ce que j’ai subi dans les tunnels sous la Montagne. Je préfère encore me faire dévorer vivant par une goule plutôt que de permettre l’existence d’un endroit sans Lumière dans notre monde.

Ressentant le besoin de revenir sur ce qu'il avait dit quelques temps plus tôt, il rajouta :

- Les terres de Lordaeron sont les plus sacrées qui soient, messire. Elles sont également celles qui ont le plus souffert de la main des impies. Il est inacceptable que le foyer de tant de croyants demeure encore aujourd'hui enfoui dans l'ombre la plus noire et la corruption la plus vile. Voilà pourquoi c'est vers l'Ost que je me tourne, et pas vers un autre ordre. Vous portez sur vos épaules plus qu'un serment de vengeance : Vous vous battez pour reconstruire et rentre Lordaeron aux vivants. C'est une cause pour laquelle je suis prêt à offrir ma vie.

Ayant achevé son interminable récit, le Sombrefer s’adossa contre son dossier et reboutonna les manches de sa chemise. Revenir sur son passé avait été douloureux, mais il était persuadé que sa souffrance porterait ses fruits.

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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par La Vigie »

Le vétéran écouta le récit sans l'interrompre. Par intérêt, tout d'abord : s'il n'avait pas lui-même fait partie des troupes qui avaient participé à la chute de Thaurissan, certains de ses frères d'armes en avaient été, et leur récit des merveilles - et des atrocités - du Mont Rochenoire l'avait souvent passionné. Il n'avait jamais eu l'occasion de vérifier leurs dires, et le témoignage qu'en livrait Krurrund les rendait presque pâles en comparaison.

Et puis, il y avait ce quelque chose, dans la voix du nain, qui empêchait tout autre comportement qu'une respectueuse écoute. Pour sûr, nul n'aime à se livrer, et ceux qui le font jour et nuit sont rarement appréciés de leurs semblables. Aussi, lorsque la sincérité et l'émotion lèvent le voile sur ce que la pudeur cache d'ordinaire, un homme de bien se doit d'écouter sans mot dire, et de recueillir chaque mot prononcé avec la gravité qu'est en droit d'attendre celui qui fait ce si grand effort. Si quiconque était passé dans la pièce à cet instant, nul doute qu'il se serait écarté sur la pointe des pieds, afin de ne pas gâcher un tel moment.

Wernat laissa passer quelques secondes à la fin du récit, comme pour s'imprégner de ses dernières flammes. Puis, avec un sourire qu'il n'espérait pas trop compatissant :

Je vous remercie pour votre franchise. J'espère faire en sorte de ne pas la gâcher. Vos motivations sont nobles : je sers moi-même la Lumière autant que ma patrie, et je comprends d'autant mieux votre souhait d'aider à la reconquête de Lordaeron. Quant à l'histoire de votre famille, je ne peux que vous assurer que je ne l'ébruiterai pas au-delà de ce qui est nécessaire.

Votre motivation m'est donc claire, désormais. Il m'en faut cependant un peu plus. En effet, vous n'êtes pas ici dans un camp d'aventuriers où il suffit de tirer l'épée pour être de la partie : l'Ost est une armée, plus petite que celle de nos pays, mais une armée tout de même, avec ce que cela implique de discipline, d'organisation et de promiscuité. Avez-vous une expérience en la matière ? Avez-vous déjà connu la vie militaire, ses désagréments et ses petites joies ? Avez-vous servi en garnison, ou participé à une campagne ?

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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par Krurrund »

Son récit avait profondément ébranlé Krurrund, bien plus qu’il ne l’avait envisagé en le commençant. Ses mains tremblantes essuyèrent d’un revers la sueur qui avait perlé sur son front dégarni. Il poussa une quinte de toux pour essayer de ne pas faire passer le contre-coup de son effort pour une faiblesse d’esprit.
Le sourire de Wernat, dont l’évidente compassion froissa d’abord le Sombrefer, permit dans un second temps à ce dernier de laisser partir l’angoisse qui lui broyait le cœur. Le vétéran humain, de par ses paroles, offrit à Tête-de-Plomb la possibilité de s’arracher aux méandres d’un passé intangible pour se recentrer sur le présent radieux qui s’offrait à lui. Finalement la souffrance s’écoula comme l’aurait fait la pluie sur une toiture, et le nain put se reconcentrer sur l’entretien qui lui permettrait d’entrer dans une nouvelle étape de sa vie.

Le maçon éprouva de la reconnaissance vis-à-vis de l’assurance que son passé ne serait pas ébruité plus que de nécessaire. Il répondit d’une voix rocailleuse :

- Je vous en remercie bien, messire. Je comprendrais que les autorités de l’Ost veuillent connaître mon histoire, mais j’apprécierais de ne pas avoir à la repartager avant un certain temps. En tant que vétéran de guerre vous aussi, je suis persuadé que vous comprenez mieux que quiconque la douleur que peut nous infliger un passé d’horreurs et de monstres.

Ensuite vint la question de l’expérience militaire, à laquelle Tête-de-Plomb s’était naturellement attendue. La réflexion sur le camp d’aventurier le fit doucement rire. Il repensa à tous ces courtes-barbes qu’il avait croisé du temps où il avait habité à Forgefer. Ces petites troupes d’aventuriers de tous les horizons qui se mettaient en tête d’aller défier les horreurs de ce monde à cinq sans aucune discipline, ni hiérarchie, ni même connaissance de l’ennemi qu’ils allaient affrontés et de l’allié qui se tenait à leur côté. Azeroth n’était pas un monde clément. Bien souvent, ces petites expéditions finissaient en innommable tragédie ; Mort atroce pour les uns, traumatisme à vie pour les autres.
Non, ce que la croisade lui avait enseigné, c’était que la seule manière de défier le mal était de reposer sur un socle de fer inébranlable : l’armée. La logistique, les plans de campagnes, la répartition des hommes et du matériel, c’était toutes ces choses - qu’il ne comprenait pas vraiment - qui faisait le succès d’une invasion. Il avait parfaitement conscience de l’inconséquence de cette image à laquelle les blancs-becs s’accrochaient, celle du « héros ». A la vérité, Krurrund n’avait jamais vu en 135 ans d’existence un guerrier capable de trucider une trentaine de goules l’attaquant sur tous les fronts, aussi talentueux soit-il. Faire cavalier seul contre les forces du Mal n’avait aucun sens, aussi Tête-de-Plomb vouait-il une confiance absolue aux lois immuables de l’armée.

Il s’empara à nouveau de son tabard de la croisade, ce dernier ayant lentement séché pendant son discours.

- Mon expérience militaire est des plus singulières messire. Toujours au plus près du danger, sans jamais l’avoir vraiment confronté moi-même. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, j’ai servi comme charpentier à la Croisade d’argent. J’ai participé à la campagne du Norfendre à la Couronne de Glace, sous les ordres du grand intendant Aliocha Segarg, un vétéran humain d’une rare compétence. Mes états de services ont toujours été à l’image de ma maçonnerie : Irréprochables.


D’un naturel pourtant modeste, le Sombrefer n’enorgueillissait énormément du savoir-faire et de la conduite dont il avait fait preuve au service de La Lumière. Avec un sourire, il esquissa une boutade.

- Si vous me demandez si j’ai connu la joie de devoir creuser un trou dans la neige en pleine nuit pour faire mes besoins sur le territoire ennemi, je vous répondrais que c’est là le privilège de tous les soldats. Plus sérieusement messire, sans être un vieux croulant je suis un nain d’expérience. Je suis un ouvrier. La discipline est pour moi aussi évidente que le feu qui coule dans mes veines. Sous la Montagne, on n’avait pas vraiment le choix de l’insubordination, comme je vous l’ai expliqué tantôt. Je ne suis pas le genre de soldat à fanfaronner et à défier ses supérieurs. Je fais mon travail, et je le fais bien. Je laisse le commandement à ceux dont c’est le métier, et j’obéis sans poser de question.

Une remarqua fusa dans l’esprit du Sombrefer, qui s’empressa de la formuler.

- Bien sûr, dans une armée classique je suppose que je devrais davantage être sur mes gardes quant à la moralité des commandements de mes supérieurs. De ce que j’en ai entendu, les crimes de guerre déshonorant ne sont pas si rares dans la lutte opposant la Horde à l’Alliance. Mais j’ai la chance de postuler ici pour un ordre de serviteur de La Lumière qui, s’ils sont tous à votre image, me donne une confiance absolue en la justice de notre cause. Le doute n’est pas permis lorsque l’on œuvre pour et avec le soutien du divin.

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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par La Vigie »

Wernat s'empêcha un sourire. Et c'était difficile : chaque intervention du nain lui donnait envie de rebondir pour partager des expériences entre vieux soldats. Le pire était la mention de la campagne du Norfendre, car lui-même l'avait vécue, et ils auraient sans doute pu passer des heures à échanger sur cette incroyable - bien que tragique - aventure sur le Toit du Monde.

Espérant de tout son cœur que Krurrund fasse plus qu'un passage au Beffroi, ce qui lui donnerait l'occasion d'aller plus loin, le vétéran acheva de prendre note de ses réponses et passa à la suivante - l'une des dernières.

Je vois en effet que la vie militaire ne vous est pas inconnue. Je ne vous ferai donc pas l'affront de vous demander davantage s'agissant de vos états de service : votre expérience nous serait sans doute utile, car tout le monde ici n'a pas forcément bénéficié d'une expérience au sein d'une véritable armée avant de s'engager. "Nous". Wernat secoua la tête. Le voilà qui jouait diablement bien son rôle.

Je ne vous demanderai pas non plus de me dire quelles sont vos compétences : vous avez déjà répondu à cette question par anticipation. Néanmoins, je suis curieux : vous avez vu l'état du Beffroi, et j'imagine que vous avez déjà quelques idées à son sujet, considérant votre formation. Avez-vous des suggestions à formuler pour l'améliorer ?

La question était volontairement ouverte.

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Re: [Candidature] Krurrund Tête-de-Plomb

Message par Krurrund »

Krurrund Tête-de-Plomb arbora l’expression si caractéristique des artisans devant une œuvre achevée. Son discours si minutieusement préparé des mois auparavant avait fonctionné. Il avait pensé à toutes les questions possibles et imaginables et était parvenu à offrir une réponse satisfaisante à chacune d’entre elle. Conforté dans son orgueilleuse assurance, le Sombrefer se permit de penser que sa candidature était très bien engagée.

Son air de satisfaction disparut lorsque le soldat Wernat lui demanda son opinion sur l’état du Beffroi. Son sourire s’effaça et un nouveau regard occupa les orbites incandescentes du maçon ; celui d’un professionnel. Il dégaina un stylet de la poche arrière de son pantalon et s’empara d’un des vieux schémas délavés qu’il avait posé plus tôt sur la table. Il commença à gratter le dos de la feuille avec son crayon et dessina, très fidèlement et avec un soin extrême, la partie ouest de la garnison qu’il avait entraperçue à son arrivée au Beffroi. Il détailla sur le papier la grande porte et ses murailles, les écuries, la Commanderie calcinée et la fontaine au milieu du chemin. Il aurait préféré avoir les plans véritables de la forteresse sous les mains mais, loin de se décourager face à la difficulté, il se mit à parler avec un débit frénétique. On pouvait presque entendre les rouages de son intellect tourner à plein régime.

- Messire il m’est difficile de vous offrir une totale expertise sans avoir fait une inspection consciencieuse des lieux. Toutefois, ce dont je suis certain c’est que l’attaque du culte des damnées peut nous offrir des pistes solides sur les failles du bastion. Je serais ravi d’en apprendre tous les détails afin de m’aider dans ma tâche. Mise à part cela, j’ai quelques idées qui valent la peine d’être suggérées.


Il passa un coup de langue sur son crayon et commença à accompagner ses suggestions de dessins explicatifs.

- Le choix des balistes est sage pour vous murailles. L’usage d’une artillerie à poudre est à proscrire. Vous êtes logés entre deux montagnes, l’écho d’arme à feu aussi lourdes alerteraient tous les morts-vivants à des kilomètres à la ronde. Pratique pour faire le ménage, mais je ne garantis pas la tenue de murs aussi vieux face à une horde comme on a pu en voir au Norfendre. Une autre défaillance dans votre système de sécurité : les écuries.

Tête-de-Plomb tapota la table du bout de son crayon pour appuyer son propos.

- Vos écuries représentent votre capacité de projection au-delà des murailles. Vos montures peuvent signifier la survie ou le trépas de tout l’ost en cas d’attaque trop féroce. Pourtant, elles sont littéralement à quelques dizaines de mètres de la grande porte. Si cette dernière tombe, vos canassons seront les premiers à subir de plein fouet la fureur de vos ennemis. Construisons des tranchées entre la porte ou les écuries, ou éventuellement quelques barricades pour contenir un assaut. Nous pouvons également faire une extension du mur vers les écuries, afin que son accès ne soit permis que par un petit couloir. Face au surnombre, l’usage de goulets d’étranglement est absolument capital. A fortiori dans un endroit aussi idéal que celui où le Beffroi a été construit.


Emporté par sa vibrante passion pour le sujet, Krurrund se permit une digression.

- J’ai vu beaucoup de fortifications militaires dans ma vie messire, et c’est pourquoi je peux vous affirmer avec certitude ceci : Il n’existe aucune porte, aucune muraille inviolable. Une bonne forteresse ne doit pas être mise en échec et mât sur le simple facteur des portes. Vous devez avoir d’autres armes visant à freiner l’avancée ennemi. La clé d’une bataille de siège, c’est le temps. Nous affrontons en majorité des hordes décérébrés qui fonceront de toutes leur force en ligne droite sur nous. Ce sont des cibles privilégiées pour des pièges en tous genre. J’en arrive donc à l’idée principale qui m’a fusé tout à l’heure dans la caboche.

Le maçon afficha un grand sourire et, d’un air serein, prononça les mots les plus « nains » de toute l’Histoire d’Azeroth.

- Creusons des tunnels sous la forteresse ! Pas forcément très profond je vous rassure, seulement une dizaine ou une vingtaine de mètres sous terre. Ces tunnels pourraient être un atout non négligeable. Nous pourrions en profiter pour creuser une fosse reliée à une trappe juste derrière la grande porte, au cas où cette dernière cède. Ainsi les envahisseurs pourraient chuter d’une dizaine de mètres, s’empaler sur quelques objets pointus et se faire achever par quelques soldats postés en contrebas. Les tunnels pourraient également servir aux défenseurs pour se déplacer d’un point A à un point B en toute discrétion, sans oublier la possibilité d’avoir une voie de repli si les choses tournent mal. Tout ceci dépend bien sûr du type de sol sur lequel on travaille, mais la chose vaut la peine d’être étudiée.

Krurrund posa son stylo, se redressa et croisa les bras. Une idée extrêmement déplaisante lui était venu à l’esprit. Son instinct lui suggérait qu’il s’agissait d’une stratégie intéressante, mais ses tripes se tordaient à l’idée d’avoir recours à leur aide. Finalement, son professionnalisme reprit le dessus et il déclara, la mort dans l’âme :

- Vos balistes, à moins d’être maniées par des artilleurs de grands talents, seront mises en difficultés face à un assaut aérien. Je suggère que l’Ost pourpre soit en mesure d’entretenir une petite troupe de défense anti-aérienne sur le terrain même de l’ennemi. Les meilleurs dans ce domaine sont peut-être vos curieux alliés, les… Marteaux-hardis. Une douzaine de ces gars là pourrait concurrencer une Wyrm où d’autres bestioles volantes que les nécromanciens du culte pourraient vous envoyer à la trogne.


Ayant fait le tour de ses idées spontanées, le maçon conclu en rangeant son stylet.

- Comme vous le voyez, je peux faire beaucoup de choses pour cet endroit, avec du temps et des moyens. Que ce soit en terme d'innovations ou simplement d'entretien. Ce sont les chefs qui décideront en temps voulu bien sûr, mais je peux mener des travaux qui à terme permettront au Beffroi du nord de rendre les coups si l’ennemi venait à revenir dans le coin.

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